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IFRS 9 – Instruments financiers

3 mai 2018 | Post Trade

1. Contexte

Le 24 juillet 2014, l’International Accounting Standards Board (IASB) a fini de mettre en place la version finale de la norme « IFRS 9 – Instruments financiers », qui doit remplacer l’ancienne norme « IAS 39 – Instruments financiers : comptabilisation et évaluation ».

En établissant cette norme, elle vise à résoudre les problèmes rencontrés par l’IAS 39, parmi lesquelles :

  • L’approche « Fair Value – Juste Valeur », qui permet la prise en considération de la valeur de marché lors de la valorisation des instruments financiers. Lors d’une crise, ce principe contraint la dépréciation immédiate dans le compte de résultat des pertes latentes. Or, sous le modèle des « pertes encourues » de l’IAS 39, ce n’était pas le cas. En effet, la prise en compte d’un événement de perte qui va être comptabilisé comme une dépréciation, ne se fera que lorsqu’il se produira.
  • L’absence de référentiel du business model de l’entreprise.

Les améliorations apportées par l’IFRS 9 comportent par conséquent :

  • Une démarche plus logique au niveau de la classification et de l’évaluation des actifs financiers qui traduit le modèle économique dans lequel ils sont gérés ainsi que leurs flux de trésorerie,
  • Un modèle unique de dépréciation fondé sur les « pertes attendues » (« Expected Loss »),
  • Une approche sensiblement réformée de la comptabilité de couverture.

Les informations décrites en annexe sont également renforcées. L’objectif global est d’améliorer l’information des investisseurs.

La norme a été mise en place au 1er janvier 2018. Elle regroupe les trois phases qui ont constitué le projet : « Classification et évaluation », « Dépréciation » et « Comptabilité de couverture ».

Remarque : Le champ d’application d’IFRS ​9 est semblable à celui d’IAS 39 : il concerne toutes les entités et tout type d’instrument financier (hors exceptions citées dans IAS 39 et le cas des droits et obligations résultant d’IFRS 15).

2. La mise en place de la norme IFRS 9

2.1.  Classification et évaluation

La classification détermine la manière dont les actifs/passifs sont comptabilisés dans les états financiers ainsi que leur évaluation continue. La norme introduit les notions qui sont :

  1. La réduction du nombre de catégories d’actifs :
  • On en décompte trois au lieu des quatre proposées par IAS ​39 (coût amorti, juste valeur par capitaux propres et juste valeur par résultat, qui devient la catégorie par défaut). 
  1. La classification selon deux critères :
  • Le modèle économique
  • Les caractéristiques des flux de trésorerie des actifs financiers considérés ;
  1. La nécessité pour les établissements financiers de mettre en place un diagnostic comptable de leur portefeuille plus poussé.

Ainsi, la principale amélioration apportée par la norme IFRS 9 sur cette partie concerne l’homogénéisation de la classification et de l’évaluation des actifs financiers.

Actifs financiers

IAS 39

IAS 39 contient différentes catégories de classifications ainsi que des modèles de dépréciation qui lui est associé. La plupart des problèmes remis en cause par l’IAS 39, sont liés à la classification et à l’évaluation des actifs financiers. La classification permet de définir la manière dont les actifs financés sont comptabilisés dans états financiers. Ceci constitue le fondement même de la comptabilité des produits financiers. Les dispositions liées à la dépréciation et à la comptabilité de couverture sont basées sur cette classification.

IFRS 9

IFRS 9 amène une approche logique et unique dans la classification de tous les actifs financiers :

  • Soit au coût amorti (qui ne s’applique qu’aux instruments de créances comme les prêts, les obligations, etc.) ;
  • Soit à la juste valeur (qui matérialise l’intention de vendre un actif, traduit l’exposition au risque et amène en conséquence une volatilité dans le compte de résultat). 

Ceci prend également en compte les actifs financiers pour lesquels ils détiennent un dérivé.

Dans ce cas, l’actif financier est classé dans son intégralité plutôt que d’être exposé à des multiplies règles complexes de décomposition.

L’approche s’appuie sur des principes au lieu de règles comme l’IAS 39, qui sont décrétés complexes et difficiles à mettre en pratique. Deux critères doivent être utilisés pour évaluer comment les actifs financiers doivent être classifiés :

  1. Le business model de l’entité pour la gestion des actifs financiers
  2. Les caractéristiques des flux de trésorerie de l’actif financier

Dans la norme de l’IFRS 9, l’actif financier peut suivre trois types de modèles économiques :

Business model

Condition

Evaluation

Held To Collect (HTC) Perçoit les flux de trésorerie et les encaisser Coût amorti
Held To Collect and Sell (HTCS) Perçoit les flux de trésorerie, les encaisse et vend les actifs Juste valeur via les autres éléments du résultat global
L’actif financier n’est détenu par aucune des conditions ci-dessus

Juste valeur

IFRS 9 nécessite qu’un actif financier soit reclassé d’une catégorie à une autre, si et seulement si le modèle économique de l’entité pour gérer les actifs financiers est modifié, ce qui se produit assez peu souvent. Dans ce cas, des informations sur le reclassement devront être livrées par application de la norme « IFRS 7 Instruments financiers : information à fournir ».

Les actifs financiers ont été retraités pour rendre les états financiers plus complets que ce que proposait l’IAS 39.

Passifs financiers

Lors de la réalisation de la norme IFRS 9, certains ont estimé que l’IAS 39 fonctionnait plutôt correctement en ce qui concerne les passifs financiers.

Il en résulte donc que les dispositions mises en place par l’IAS 39 restent inchangés dans l’IFRS 9 :

  • Certains passifs financiers demeureront évalués au coût amorti.

Comme pour les actifs financiers, les passifs financiers peuvent être évalués à la juste valeur si des critères sont respectés.

Le seul point auquel a été réclamé à l’IASB, était de parer rapidement en ce qui concerne la volatilité du compte de résultat liée aux variations de juste valeur venant du risque de crédit propre lorsqu’une entité a choisi pour la juste valeur dont le résultat est contre-intuitif.

A partir du moment où :

Une entreprise a émis des instruments + Son propre crédit se dégrade = La diminution de la juste valeur se traduit par un profit

Dans le cas contraire, la remise en place du crédit se traduit par une perte.

D’après l’IFRS 9, les variations de juste valeur seront désormais comptabilisées dans les autres éléments du résultat global tandis que le bilan continuera à enregistrer la juste valeur.

Pour les passifs financiers comptabilisés à la juste valeur par le résultat, l’IFRS 9 permet de comptabiliser les variations liées au risque de crédit des autres éléments du résultat global.

2.2. Dépréciation

Pendant la crise financière, le fait de reconnaître tardivement les pertes de crédit sur les prêts (et autres instruments financiers) a été reconnu comme une faiblesse des normes comptables.

Le modèle selon l’IAS 39 (modèle de pertes encourues), exclu la reconnaissance des pertes de crédits jusqu’à la survenance d’un événement. Cette règle devait uniquement limiter la constitution par les entités de « réserves cachées » pour contrebalancer de mauvais résultats ultérieurs. Enfin, le fait d’avoir recours à de multiples modèles de dépréciation montre à quel point l’IAS 39 était complexe.

Grâce à l’IFRS 9, il instaure un nouveau modèle de dépréciation qui a recours à une reconnaissance beaucoup plus rapide des pertes de crédits prévues. Pour être plus précis, cette nouvelle norme requiert que les entités comptabilisent leurs pertes de crédits prévus dès le moment où les produits financiers sont comptabilisés et que les pertes attendues soient comptabilisées pour toute la durée de vie du prêt sur une base plus régulière. L’IASB a prévu de mettre en place un groupe spécifique dans le but d’aider les parties prenantes dans leurs transitions vers les nouvelles dispositions de dépréciation.

En conséquence, d’après l’IAS 39, la dépréciation d’un produit financier diffère selon la classification de cet instrument. Grâce à l’IFRS 9, ce même modèle de dépréciation s’exercera à tous les actifs financiers pouvant faire l’objet d’une dépréciation, quel que soit le type d’instrument ou quelle que soit sa classification, enlevant ainsi le principal problème de la complexité de l’IAS 39.

Ce nouveau modèle s’illustre selon trois phases :

  • 1ère phase : dès l’investissement, l’entité comptabilise les pertes attendues sur 12 mois et le produits financier (intérêt) est calculé sur la base du montant brut de l’instrument.
  • 2ème phase : si le risque de crédit augmente de manière non négligeable, alors les pertes prévues sur la durée du prêt doivent être reconnues et le produit financier (intérêt) est calculé sur la base du montant brut de l’instrument.
  • 3ème phase : si la qualité du crédit se dégénère au point que la recouvrabilité du principal est menacé, le produit financier (intérêt) est calculé sur la base du montant de l’instrument net de la dépréciation et la perte attendue sur la durée du prêt continue d’être provisionnée.

2.3. Comptabilité de couverture

IFRS 9 amène un modèle sensiblement réformé pour la comptabilité de couverture, avec des informations accrues sur l’activité de gestion des risques. Le nouveau modèle décrit une révision importante de la comptabilité de couverture qui ordonne le traitement comptable sur les activités de gestion des risques, permettant ainsi aux entités de mieux rendre compte de ces activités dans leurs états financiers. Par ailleurs, grâce à ces changements, les utilisateurs des états financiers disposent d’une meilleure qualité d’information sur la gestion des risques et sur l’effet de la comptabilité de couverture sur les états financiers.

Les dispositions en relation à la comptabilité de couverture demeurent inchangées dans la norme IFRS 9 depuis leur première publication en novembre 2013, à l’exception de l’ajout d’une nouvelle catégorie d’évaluation, la juste valeur via les autres éléments du résultat global.

3.    Les impacts suites à la mise en application de l’IFRS 9

3.1. Impacts au niveau de la réévaluation des actifs financiers

Le fait de proposer une simplification lors de l’évaluation des actifs financiers contraint la reclassification de ces derniers. L’étendue des impacts variera selon la nature du produit financier détenu ou des choix exercés. Les méthodes d’évaluation entraineront notamment la volatilité du compte de résultat.

3.2. Impacts organisationnels

Bien que la norme mise en place par l’IASB soit comptable, elle implique des évolutions au niveau de l’organisation des entreprises engageant à la fois les fonctions Risques et Finances (coordination des processus de production des reportings comptables et réglementaire, révision des contrôles comptables, etc.).

4.    Les enjeux des établissements financiers

4.1. Les enjeux des différentes phases

La mise en place de la phase 1 « Classement et évaluation », nécessitera l’analyse et la consolidation des revues de portefeuilles d’actifs décentralisées au niveau des métiers / zones géographiques. Le résultat de ces travaux pourra occasionner des transferts entre actifs évalués au coût amorti et actifs évalués en juste valeur.

Cependant, le principal enjeu opérationnel portera sur la 2ème phase « Dépréciation ». En effet, il requiert le développement d’estimation à long terme, entraîné par des facteurs multiples et complexes des pertes de crédits prévues. Les différents modèles devront également être analysés.

D’autre part, les établissements financiers devront intégrer dans leur projet IFRS 9, le guide d’application du document concernant Bâle, qui présente les attentes du superviseur sur les modalités de mise en œuvre.

Les changements impacteront également les fonctions Risque et Finance au niveau de leur méthodologie, leur processus, leur système d’information et leur gouvernance.

4.2. Des enjeux économiques

Afin d’accommoder l’étendue du projet aux effet potentiels induis, les entreprises se sont embarquées dans des exercices de simulation. Tout en respectant les jalons imposés par le régulateur, le but est de définir au mieux les périmètres et les méthodes à établir. Ainsi que l’impact associé en termes de provisionnement.  Il faudra également estimer le coût lié à la mise en place des nouveaux processus, contrôles et modèles. Par ailleurs, il est impératif que le budget évalue également les ressources nécessaires sur toute la durée de vie du projet.

4.3. Des enjeux systèmes et données

Tout ce qui concerne la donnée (exhaustivité, historique, qualité, délai de production et d’analyse) est un enjeu majeur. En effet, les données exigées ne sont pas toujours disponibles de manière systématique dans les systèmes (comme par exemple les échéanciers, les taux d’intérêts, etc.).

La mise en place de la norme IFRS 9, par la convergence de certains processus Risque/Finance qu’elle implique, est fondée sur la question de l’établissement d’un système informatique mutualisé réduisant ainsi les incohérences potentielles entre les modèles de risques, prudentiel et comptable qui permet d’être en accord avec les exigences réglementaires sur la qualité des données. En conséquence, tout un chantier a été élaboré pour instaurer les référentiels communs ou la redéfinition des rôles et responsabilité au niveau de la donnée.

4.4. Des enjeux métier/business model

La norme IFRS 9 va générer des évolutions au sein du business model de chaque entreprise par son impact sur le montant des provisions et donc la charge du risque et le besoin en capital. Les établissements se servent des simulations afin de déterminer les impacts sur les métiers et d’identifier les zones de forces et de faiblesses avant de faire évoluer leur portefeuille le cas échéant (par exemple la restructuration, cession d’actifs, etc.). Un autre enjeu et non des moindres, concerne la gestion de la communication financière et la divergence de la norme à l’échelle internationale.